TRANSPORTS - Transport maritime

TRANSPORTS - Transport maritime
TRANSPORTS - Transport maritime

Bien avant d’avoir inventé la roue, l’homme avait découvert qu’il pouvait faire flotter des radeaux, des embarcations qui lui permettaient de se déplacer commodément et de transporter des charges de plus en plus lourdes. Activité plus ancienne que la plupart des autres modes de transport, le transport maritime présente cependant tous les caractères d’une industrie moderne, non seulement parce qu’il a toujours été largement ouvert aux innovations technologiques, mais également parce qu’il joue présentement un rôle indispensable dans l’acheminement du commerce international. Près des trois quarts du tonnage total des marchandises qui sont échangées chaque année dans le monde utilisent la voie maritime. Composante vitale du développement économique mondial, le transport maritime a conservé l’héritage d’une multitude d’usages, de règles juridiques propres et de principes d’organisation qui se sont élaborés au fil des siècles et dont certains marquent encore profondément son fonctionnement actuel. Cette particularité accrédite souvent l’opinion selon laquelle le transport maritime serait une activité en train de disparaître ou même dépassée, idée que son importance économique présente et l’enjeu géopolitique qu’il constitue suffisent à démentir.

1. Les grandes caractéristiques du transport maritime

Les mers et les océans occupent plus des deux tiers de la superficie du globe. La géographie a conféré au transport maritime une vocation à l’universalité. L’histoire, pour sa part, a décidé que les espaces marins sont le plus souvent des frontières naturelles, de sorte que le transport maritime a, par nature, une vocation internationale.

La dimension internationale

À l’échelle mondiale, en effet, le cabotage national – c’est-à-dire le trafic entre ports d’un même pays – est négligeable, sauf pour les pays qui sont des îles ou des archipels ou qui disposent de façades maritimes étendues; l’essentiel de l’activité des transporteurs maritimes s’exerce entre ports de pays différents. Parce qu’elles sont des espaces frontières, les mers sont accessibles à tous, et le principe de la liberté de navigation pour les flottes de commerce est désormais mondialement accepté.

Instrument des échanges internationaux, le transporteur maritime est lui-même producteur d’un service extraterritorial, et donc exportateur en cette qualité. Mais il ne bénéficie pas, en tant que tel, des mêmes protections que les exportateurs de produits industriels ou agricoles. Ceux-ci peuvent en effet limiter l’accès des concurrents à leur marché en profitant soit de la protection naturelle que constitue la distance – l’éloignement géographique impliquant des coûts de transport plus élevés –, soit de la protection institutionnelle que représentent les droits de douane. Or il n’existe pas de semblables droits sur les services de transport maritime. Quant à la protection liée à l’éloignement, elle ne peut pas être mise en jeu, puisque l’instrument de production du transporteur maritime, c’est-à-dire le navire, est par nature mobile. Ainsi, l’accès au transport maritime étant ouvert aux ressortissants de tous les pays, il règne sur les marchés maritimes une concurrence internationale extrêmement vive.

La dépendance économique

Parce qu’il est le mode d’acheminement principal des échanges internationaux, le transport maritime est très sensible à tous les événements politiques et économiques qui peuvent les affecter. Le rythme d’évolution des échanges dépend d’abord de la conjoncture économique mondiale, mais il est également influencé par beaucoup d’autres facteurs. Des conditions météorologiques anormales peuvent faire varier la demande de transport de certains produits de façon importante d’une année à l’autre. Des crises monétaires peuvent freiner le développement des échanges. L’adoption de mesures restrictives à l’exportation ou à l’importation, la mise en œuvre de politiques de stockage, les conflits qui peuvent survenir ainsi que la fermeture de pipe-lines ou de grandes voies maritimes comme le canal de Suez peuvent brutalement bouleverser la structure des courants d’échanges. Le transport maritime subit directement le contrecoup de ces événements; on peut toutefois observer qu’en toute circonstance il a su s’adapter rapidement et faire preuve d’une grande souplesse pour répondre aux besoins de l’économie mondiale.

Mais le transport maritime n’est pas seulement une activité-reflet qui ne jouerait qu’un rôle passif dans le développement des échanges: il a lui-même contribué à accroître leur volume grâce à l’abaissement relatif des coûts du transport par mer résultant de la mise en service de navires toujours plus gros et plus performants. À la relation de dépendance qui unissait le transport maritime aux autres secteurs d’activité économique se sont désormais substitués des liens d’interdépendance d’une grande complexité.

L’intensité capitalistique

À la différence de la plupart des activités de service, le transport maritime exige une combinaison des facteurs de production dans laquelle la part du facteur capital est très largement supérieure à celle du facteur travail. Il n’est pour s’en rendre compte que de s’intéresser à la structure du bilan d’une compagnie de navigation, dans laquelle les immobilisations en navires représentent fréquemment 70 p. 100 de l’actif, ce qui assimile ces entreprises aux firmes les plus capitalistiques du secteur industriel (énergie, sidérurgie). En termes économiques, et sur le plan de la gestion des entreprises, cela signifie que celles-ci doivent faire face à des investissements importants et dont le coût unitaire n’a cessé de croître en raison de la tendance au gigantisme, à la spécialisation et à la sophistication des navires. À titre d’exemple, on relèvera qu’en 1993 le prix de construction d’un pétrolier de 250 000 tonnes atteignait 80 millions de dollars; celui d’un méthanier de 65 000 mètres cubes dépassait les 185 millions de dollars. Pour financer de tels investissements, les entreprises doivent largement recourir au crédit qui peut couvrir 80 à 90 p. 100 de la valeur d’acquisition, ce qui implique des niveaux d’endettement très élevés et des charges financières considérables. Secteur capitalistique, le transport maritime est, a contrario, un secteur qui n’emploie directement qu’une main-d’œuvre relativement peu nombreuse.

Par ailleurs, les délais de mise en œuvre des investissements en navires neufs sont relativement longs, ce qui ne permet pas au transport maritime de répondre immédiatement aux brusques augmentations des trafics, du moins en période de plein-emploi des flottes, entraînant parfois des flambées des frets, c’est-à-dire des prix du transport maritime, comme en 1973.

La faiblesse des coûts de production

Les coûts de production du transport maritime sont beaucoup plus faibles que ceux des autres modes de transport, pour des raisons à la fois physiques et économiques. Tout d’abord, l’élément liquide permet de déplacer des marchandises en dépensant une quantité d’énergie bien plus faible que sur terre ou dans les airs. En prenant pour référence l’indice 100 pour l’avion, la consommation d’énergie à la tonne kilométrique transportée se situe à 17 pour la route, à 3 pour le chemin de fer, entre 0,3 et 2 pour le transport maritime. De plus, la mer constitue une surface de transport dont l’usage est gratuit et pour laquelle le problème de gabarit ne se pose pas, sous réserve des contraintes portuaires; la taille des navires a pu ainsi s’accroître très fortement, ce qui a engendré d’importantes économies d’échelles. Par ailleurs, l’intensité de la concurrence qui s’exerce mondialement entre transporteurs maritimes contribue à peser en permanence sur les prix du transport par mer.

L’interventionnisme étatique

Il peut paraître paradoxal qu’un secteur de l’économie dont l’activité s’exerce principalement hors du domaine de juridiction des États, où la concurrence joue sur le plan mondial, où le mode de fonctionnement des marchés reste le plus proche du schéma théorique de l’économie libérale, soit depuis des siècles, à l’exception d’une période relativement courte pendant la seconde moitié du XIXe siècle, un des grands domaines dans lequel les États n’ont cessé d’intervenir. Ce serait oublier que, pour être international, le transport maritime met en jeu des intérêts nationaux: ceux des entreprises de navigation, des équipages, des exportateurs et importateurs, des ports. Ce serait négliger également le fait que le modèle libéral est récusé par un grand nombre de pays, qu’il s’agisse des pays à économie planifiée ou d’un grand nombre de pays en voie de développement.

Dans tous les pays, à un moment ou à un autre de leur développement économique ou maritime, les motifs mis en avant pour légitimer l’intervention de la puissance publique en faveur de la constitution, du développement ou du maintien d’une flotte de commerce nationale sont identiques. Sans chercher à établir un ordre de priorité, variable dans le temps et dans l’espace, on peut citer:

– des considérations de prestige ou de souveraineté nationale: le navire est un ambassadeur;

– des considérations de sécurité militaire: le navire de commerce peut apporter un soutien logistique au navire de guerre;

– des considérations de sécurité économique: le navire national permettra d’assurer les approvisionnements indispensables en cas de crise politique ou économique;

– des considérations commerciales: le navire national permettra d’éviter que les importations et exportations nationales ne soient pénalisées dans la compétition internationale;

– des considérations de stratégie générale de développement: le navire et les activités économiques qu’il induit contribuent à promouvoir un développement économique équilibré;

– des considérations monétaires en termes de balance des paiements: le navire national gagne des devises étrangères ou permet d’en économiser.

Quant aux formes que revêt l’intervention des États, elles sont également anciennes et multiples.

Certaines mesures affectent la demande nationale de transport maritime: il s’agit de réserver tout ou partie des trafics d’importation ou d’exportation aux entreprises de transport maritime du pays. Ces mesures peuvent être décidées unilatéralement par chaque pays, ou négociées bilatéralement, comme les accords de répartition prévoyant un partage à égalité des cargaisons entre les entreprises de navigation de deux pays, ou enfin résulter d’arrangements multilatéraux; ainsi, celui qui est entré en vigueur en 1983 sous les auspices de la C.N.U.C.E.D., instance spécialisée de l’O.N.U., stipule que, dans le cadre d’un code de conduite, les conférences maritimes (cf. Les pays en développement) organisent le partage des trafics qu’elles assurent à raison de 40 p. 100 pour les compagnies de navigation nationales du pays exporteur, 40 p. 100 pour celles du pays importateur, les 20 p. 100 restants pouvant revenir à des entreprises ne battant pas le pavillon des pays coéchangistes.

D’autres mesures portent sur l’offre nationale du transport maritime: il s’agit d’aider les entreprises de navigation nationales à se créer, à se développer ou à survivre. À cette fin, on peut fonder des entreprises publiques, aider les firmes nationales à acheter des navires, ou à les financer en leur accordant des subventions, des primes d’équipement, des conditions de crédits particulières, ou enfin octroyer à ces mêmes entreprises des subventions d’exploitation ou d’équilibre, des compensations financières, des avantages fiscaux. Ces différentes mesures peuvent évidemment se combiner, et leurs avantages peuvent être assortis, en contrepartie, de contraintes ou d’obligations plus ou moins fortes imposées aux entreprises nationales en matière technique, financière, sociale ou commerciale.

2. Les trafics maritimes mondiaux

À l’instar des autres modes de transport, on peut distinguer dans le domaine maritime le transport des voyageurs (les passagers) et le transport des marchandises (le fret).

Le transport des passagers

Globalement, le transport maritime des passagers est devenu marginal. La concurrence aérienne – qui, dans ce secteur, a pleinement joué – a presque totalement éliminé le transporteur maritime des grandes routes intercontinentales. Les anciens paquebots ont été reconvertis, ou bien de nouveaux navires ont été spécialement conçus pour assurer des croisières maritimes dans des zones géographiques restreintes: Caraïbes, Méditerranée, Europe du Nord. Outre le développement assez récent de cette activité, il faut mentionner le dynamisme soutenu, au cours des dernières années, des transports à courte distance à bord de navires transbordeurs emportant les passagers et leurs voitures.

Le transport international de marchandises

Le transport par mer a porté en 1994 sur environ 4,4 milliards de tonnes. Il a connu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et jusqu’en 1973 un taux de croissance très rapide (+ 10 p. 100 par an en moyenne), supérieur au rythme de progression de la production économique mondiale, ce qui traduit l’augmentation de la dépendance de l’ensemble des pays vis-à-vis du transport maritime. Inférieurs à 500 millions de tonnes en 1948, les échanges maritimes mondiaux franchissaient le cap du milliard de tonnes en 1960, celui des 2 milliards en 1968, celui des 3 milliards en 1973 pour culminer à 3,7 milliards en 1979 puis décliner ensuite jusqu’en 1983 en raison de la crise avant d’augmenter à nouveau jusqu’en 1994 (tabl. 1 et fig. 1).

Les tonnages transportés rendent assez mal compte de la demande effective de transport maritime. Il faut en effet prendre en considération l’évolution des distances moyennes d’acheminement. De ce fait, le trafic exprimé en tonnes-milles nautiques se révèle un meilleur indicateur. Si depuis les années 1970 les tonnages transportés par mer ont été multipliés par 3,6, les tonnages-milles, passés de 4 300 à 19 500 milliards, ont plus que quadruplé, ce qui traduit un accroissement des distances moyennes d’acheminement imputable pour une large part, on l’a dit, à la réduction du prix relatif du transport.

En ce qui concerne la répartition géographique des échanges, on observe, en longue période, un glissement progressif des trafics mondiaux de l’Ouest vers l’Est, de l’Atlantique vers le Pacifique. Ce déplacement du barycentre des échanges, lié à la forte croissance économique du Japon et des pays du Sud-Est asiatique, révèle un déclin relatif de l’Occident que l’on retrouve également lorsqu’on analyse l’évolution des flottes de commerce.

La répartition du trafic par grandes catégories de marchandises fait apparaître que le pétrole brut demeure largement en tête des produits transportés, en dépit des variations enregistrées, qui à elles seules suffisent à expliquer les oscillements des échanges maritimes. À l’exception des transports de produits pétroliers, les autres trafics portent presque exclusivement sur des marchandises solides; celles-ci se répartissent entre matières premières et produits agricoles (minerais, céréales, charbon, phosphates, bois) généralement transportés en vrac par cargaisons complètes à bord de navires affrétés à la demande et des marchandises «diverses» – produits finis et semi-finis – transportés en conventionnel ou en conteneurs par des navires assurant des lignes régulières. L’ensemble des marchandises transportées en vrac (pétrole brut compris) représente environ 76 p. 100 des tonnages échangés par mer, mais seulement 30 p. 100 de la valeur totale de ces échanges. Ainsi, selon qu’on se réfère au critère physique ou au critère monétaire, l’importance économique relative des deux grands types de marchandises (vrac et divers) et des deux systèmes d’exploitation maritime qui leur correspondent (tramping et lignes régulières) est fondamentalement différente.

3. Les flottes de commerce mondiales

Pour répondre à cet essor des échanges maritimes, les compagnies de navigation ont dû développer fortement leur capacité de transport. La flotte mondiale est passée en trente ans de 140 à 420 millions de tjb (le tonneau de jauge brute est l’unité de volume utilisée pour mesurer la capacité interne d’un navire: 1 tjb = 2,83 m3). Globalement, ce triplement paraît en harmonie avec la croissance des échanges maritimes. En fait, on observera que la courbe d’évolution de la flotte a été beaucoup plus régulière que celles des trafics (fig. 2). Après la baisse qui a marqué le tonnage mondial au milieu des années 1980, la flotte s’est engagée dans un processus de croissance lente. Le ralentissement du taux de croissance des trafics à partir de 1983 a engendré une chute des frets et l’apparition d’un considérable excédent de capacité de transport que l’on pouvait estimer à quelque 30 p. 100 du tonnage total existant à la mi-1993.

Les évolutions technologiques

Le développement de la flotte s’est accompagné d’un bouleversement de sa structure et de sa composition par types de navires sous l’effet d’une évolution technique marquée par quatre grandes tendances.

Le gigantisme : la taille unitaire des navires s’est considérablement accrue depuis vingt ans. Ce phénomène a affecté toutes les catégories de navires, mais plus particulièrement celle des pétroliers – des navires de plus de 500 000 tpl (tonnes de port en lourd; à la différence de la jauge qui fait référence au volume, le port en lourd exprime le poids maximal qu’un navire peut charger) ont été mis en service – et celle des vraquiers (transports de marchandises solides en vrac).

La spécialisation : dès que le trafic d’un produit déterminé atteint un volume suffisant, il peut justifier la construction de navires spécialement conçus pour son transport. Les pétroliers, qui représentaient 35,4 p. 100 du tonnage de la flotte mondiale, furent les premiers navires spécialisés, mais il existe à l’heure actuelle un grand nombre de flottes spécialisées: minéraliers et vraquiers (33 p. 100 du tonnage mondial), porte-conteneurs (6,7 p. 100), méthaniers, transporteurs de produits chimiques, etc.

La polyvalence : en réaction contre la trop grande spécialisation des navires, un mouvement vers des navires à double ou triple spécialisation s’est amorcé vers les années 1960-1970, donnant naissance à des transporteurs mixtes comme les pétrovraquiers ou les pétrominéraliers (7 p. 100 de la flotte mondiale), qui peuvent trouver un emploi sur les différents marchés (pétrole et vrac sec) ou réaliser des voyages triangulaires pour réduire les parcours à vide.

L’unitisation des cargaisons : pour accroître la productivité des navires et réduire les temps de séjour aux ports, de nouvelles techniques de transport ont été introduites, principalement dans le secteur des marchandises diverses. Elles visent toutes à constituer des unités de charges homogènes. Ces nouvelles techniques ont conduit à la mise en service de nouveaux types de navires (porte-conteneurs, cargos-rouliers, porte-barges) qui sont en passe d’éliminer totalement les navires classiques de ligne régulière.

Toutes ces évolutions techniques se sont accompagnées d’un recours à l’automatisation des opérations de manutention et de conduite des navires, ce qui a entraîné d’importantes réductions des effectifs à bord des navires.

La répartition de la flotte mondiale par pavillons

Le tableau 2 donne le classement des principales flottes de commerce. On ne peut manquer d’être surpris par la place du Liberia, principal représentant des pavillons dits de libre immatriculation ou de complaisance qui occupent une place à part dans la typologie des pays maritimes. Ceux-ci peuvent être répartis en quatre groupes.

Les pays développés à économie de marché

Les pays ayant une longue tradition maritime, ont, jusqu’à maintenant, largement dominé la scène maritime internationale. Ensemble, les États-Unis, les pays européens et le Japon possédaient plus de 75 p. 100 de la flotte mondiale en 1960. Si ce pourcentage a décliné depuis vingt ans, il restait encore proche de 50 p. 100 au milieu des années 1980, sans tenir compte des navires exploités sous des pavillons de complaisance dont la grande majorité sont détenus par des ressortissants des pays maritimes traditionnels. Ceux-ci ne constituent pas pour autant un ensemble homogène. Certains, comme la France, l’Allemagne, le Japon, les États-Unis, sont des pays essentiellement chargeurs, plus préoccupés des intérêts commerciaux de leurs exportateurs et importateurs que de la défense de leurs compagnies de navigation nationales. D’autres ont plutôt une vocation de transporteurs, comme la Grèce, la Norvège, le Royaume-Uni, les Pays-Bas. Cette différence d’approche fonde des politiques maritimes qui ne sont pas toujours en harmonie et engendre des situations conflictuelles entre les États-Unis et l’Europe, par exemple, ou même au sein de la C.E.E.

Les pays de libre immatriculation

Le Liberia, Panamá, Chypre, les Bahamas et les Bermudes, principalement, ont très rapidement développé leur flotte depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Au début des années 1980, ces pays exploitaient sous leurs pavillons environ le quart de la flotte mondiale. La propriété effective des navires immatriculés sous pavillon de complaisance appartient à des intérêts établis aux États-Unis (26 p. 100), à Hong Kong (20 p. 100), en Grèce (15 p. 100), au Japon (11 p. 100) et dans divers pays européens (19 p. 100). Outre la recherche de coûts d’exploitation peu élevés sur le plan fiscal (faibles droits d’enregistrement, absence d’imposition des bénéfices) ou social (emploi d’une main-d’œuvre peu qualifiée, généralement sous-payée et travaillant dans des conditions précaires), c’est la faculté de s’affranchir des contraintes réglementaires ou financières qui leur étaient imposées sous leur pavillon d’origine qui a poussé certains armateurs à immatriculer leurs navires sous ces pavillons. Le droit à l’existence de ces derniers est vivement contesté par les organisations syndicales de marins et de dockers ainsi que par de nombreux États, notamment ceux des pays en développement, qui accusent les pays développés de vouloir maintenir par le biais de la complaisance leur hégémonie maritime.

Les pays en développement

Les nations en voie de développement cherchent, pour leur part, à accroître leur flotte de commerce en s’appuyant sur des organismes comme la C.N.U.C.E.D. où elles sont majoritaires. Visant à instaurer un nouvel ordre maritime mondial grâce à des conventions internationales du type de celle du 40/40/20 (cf. L’interventionnisme étatique ), ces États ont atteint l’objectif qu’ils s’étaient fixé: détenir, ensemble, 10 p. 100 de la flotte mondiale à la fin de la décennie 1980. Ils forment cependant un groupe hétérogène, et de notables divergences se font jour dans la conduite de leur politique maritime. Les pays d’Amérique du Sud sont plutôt partisans de dispositions unilatérales ou bilatérales pour promouvoir leur flotte, tandis que les pays africains et asiatiques sont davantage favorables à des mesures de caractère multilatéral. Une minorité d’entre eux, les plus dynamiques sur le plan maritime comme sur le plan industriel – il s’agit des nouveaux pays industriels du Sud-Est asiatique (Hong Kong, Taiwan, Corée du Sud, Singapour) –, entendent pour leur part fonder la croissance de leur flotte sur les principes du libéralisme en tirant profit de la faiblesse de leur coût de production.

Les pays de l’Europe del’Est

Les transformations politiques et économiques dans les pays de l’Est ont généré de profondes évolutions sur leurs politiques maritimes: privatisation des compagnies de navigation et de tous les services se rattachant au transport maritime, abolition du monopole sur les transports par mer, etc. Les trafics concernant leurs économies nationales n’étant pas une source de revenus suffisante, les flottes des pays de l’Est interviennent de plus en plus sur les trafics tiers. La majorité des républiques de l’ex-U.R.S.S. ont créé ou cherchent à posséder leur propre flotte nationale. Néanmoins, l’apparition de nouveaux pavillons dans les pays de l’Est n’a pas engendré une croissance du tonnage de leur flotte. Ainsi, au 1er janvier 1995, la flotte des pays de l’Est, avec 31 921,9 milliers de tonnes de port en lourd (tpl), ne représente plus que 4,68 p. 100 de la flotte mondiale, contre 6,9 p. 100 en 1989 avec 39 900 milliers de tpl.

4. L’organisation commerciale des transports maritimes

La plus grande partie des échanges maritimes est assurée par des compagnies de navigation de toutes nationalités qui sont généralement indépendantes des entreprises exportatrices ou importatrices qui utilisent leurs services. En effet, à l’exception du secteur pétrolier, où les grandes sociétés de raffinage sont encore propriétaires d’un pourcentage non négligeable de la flotte pétrolière mondiale, il n’existe pratiquement pas de transport pour compte propre comme dans le domaine des transports routiers, par exemple.

En matière d’organisation des transports maritimes, on distingue deux grands systèmes d’exploitation: celui du tramping et celui de la ligne régulière, fort dissemblables sur les plans économique, juridique, technique et commercial.

Le tramping

Les échanges de matières premières et de produits bruts relèvent de ce système dans lequel les transports sont organisés à la demande aux termes d’un contrat d’affrètement de navire portant le nom de charte-partie . Celle-ci est négociée librement entre le fréteur détenteur du navire, qui est le plus souvent une entreprise de transport maritime, et l’affréteur, qui est généralement l’expéditeur ou le réceptionnaire de la cargaison. L’affrètement du navire peut être conclu pour un voyage déterminé ou pour une série de voyages (affrètement au voyage), ou bien pour une période de temps plus ou moins longue (affrètement à temps). Dans le premier cas, le fréteur, qui est rémunéré sur la base d’un taux de fret généralement calculé à la tonne de marchandise chargée, doit assumer toutes les dépenses d’exploitation du navire durant le voyage. Dans le second cas, le fréteur n’aura pas à faire face à toutes ces dépenses. En effet, celles qui sont liées à l’utilisation commerciale du navire (consommation de combustibles, frais de port) incombent à l’affréteur. La confrontation de l’offre et de la demande de navires est organisée en permanence au niveau mondial par l’intermédiaire de courtiers d’affrètement, et les taux de fret fluctuent comme les cours des valeurs mobilières à la Bourse, au gré des tensions qui se manifestent sur les marchés maritimes.

Les lignes régulières

La navigation de ligne régulière obéit à des principes de fonctionnement tout différents. Le navire affecté à une ligne dessert des escales selon un itinéraire préétabli. Il charge et décharge un grand nombre de produits finis ou semi-finis appartenant à une multitude de chargeurs dont le démarchage implique pour l’entreprise du transport maritime la mise en place de réseaux commerciaux étendus. Le document juridique de base est le connaissement , forme maritime du contrat de transport qui comporte des clauses d’ordre public en ce qui concerne notamment le régime des responsabilités. Depuis la fin du XIXe siècle, les armateurs assurant des services réguliers se sont regroupés par ligne desservie, au sein de conférences maritimes . Chaque conférence détermine les droits de trafic de ses membres, organise la rotation de navires et surtout fixe les tarifs qui sont les barèmes de prix de transport que ses adhérents s’engagent à respecter.

Le droit à l’existence de ces cartels internationaux que constituent les conférences maritimes, au nombre de près de quatre cents à travers le monde, a été reconnu par la plupart des pays, même par ceux qui disposaient de législations antitrust particulièrement sévères. En effet, il est généralement admis que seules ces conférences peuvent garantir aux chargeurs la régularité et la permanence des transports qui leurs sont indispensables. Quant au risque qu’elles abusent de leur position dominante, il est limité non seulement par l’existence des compagnies maritimes outsider qui peuvent à tout moment venir s’implanter sur une ligne desservie par des armateurs membres d’une conférence, mais également par la mise en place de dispositifs de surveillance, l’imposition de certaines règles de fonctionnement telles que celles qu’édicte le Code des conférences maritimes élaboré par la C.N.U.C.E.D. et l’institution de procédures de consultation des chargeurs, notamment dans le cas de modification des tarifs.

Les profondes mutations qui affectent l’économie mondiale vont obliger le transport maritime à faire montre dans l’avenir d’une souplesse d’adaptation encore plus grande que par le passé. La demande de transport maritime se modifie fondamentalement dans son volume, dans sa répartition géographique et dans sa nature même en raison des nouvelles exigences des chargeurs. La nécessité pour les transporteurs de faire évoluer leur flotte dans son dimensionnement et dans ses caractéristiques techniques n’est certes pas nouvelle, mais, dans le même temps, ils vont être amenés à revoir l’organisation même du transport et à redéfinir leur rôle, principalement dans le domaine des lignes régulières. En effet, l’émergence de la fonction logistique au sein des entreprises utilisatrices de transport crée de nouvelles contraintes pour les compagnies de navigation en matière de prix et de qualité de service, alors même que l’encadrement institutionnel qui enferme le transport maritime international ne paraît pas devoir s’assouplir. La conciliation de ces exigences multiples et contradictoires est sans conteste le principal défi auquel va être confronté le transport maritime, en tant que système, dans le courant des années 1990.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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